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2/26/2014

SORTIR DU PIÈGE DE L'(H)ISTOIRE - LA TRANSGRESSION PAR L'ART


Sortir du piège de l'(H)istoire - La transgression par l'art
Jocelyn VALTON


COLLOQUE "ART & TRANSGRESSION(S)"
 CEREAP 2012


A l'invitation du CEREAP (Centre d'Etudes et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques), ce texte fit l'objet d'une communication pour le colloque ARTS ET TRANSGRESSION(S) en décembre 2012 en Guadeloupe.

Au motif d'une forme considérée comme "pas assez universitaire" l'article censuré ne sera pas publié dans les actes du colloque...
La Fondation Clément agissant dans le domaine de l'art contemporain des Caraïbes, et dont le rôle est questionné dans mon propos, apparaît depuis le n° 18 de la revue Recherches en Esthétique (Transgression(s)), janvier 2013, comme un nouveau sponsor du CEREAP.

                                                                                                                      
Liminaire  
Transgression I

Ma participation à ce colloque voulait adopter une autre forme que celle d'un exercice face à un public en attente d'un déploiement de savoir savant sur le thème de la transgression en art. Il s'agirait plutôt de tenter d'introduire un questionnement sur l'art comme expérience visant à créer un degré plus élevé de conscience dans le contexte singulier des Caraïbes. Refusant d'adopter tous les codes du discours universitaire, j'invite donc à considérer mon propos même, comme une des formes possibles de la transgression. Trois temps, en des lieux différents serviront mon dessein de faire émerger ces formes transgressives.
Paris, la Martinique et la Guadeloupe, ces îles de l'ex empire colonial français, dont on peut considérer qu'elles en sont aujourd'hui les vestiges anachroniques, les ruines enguirlandées... Il faut rappeler, tant cette dimension demeure occultée, combien notre monde contemporain est l'héritier du fait colonial et de l'hégémonie racialisée qui le caractérise. Cela est tout aussi vrai pour le domaine de l'art. Que l'on pense par exemple à l'art des Delacroix, Gauguin, Matisse... qui ne peut être pleinement compris sans la prise en compte de l'Orientalisme[1]. Ou bien à Picasso en super-prédateur, au "génie" soudain catalysé par le « choc » de sa visite au musée du Trocadéro en juin 1907, et qui sera initié à la dimension prédatrice de l'entreprise coloniale à travers la vision de l'effrayant capharnaüm des objets magiques d'Afrique et d'Océanie. Picasso, figure archétypale incarnant comme un Moloch vorace, l'Europe en expansion, partant (je cite) à « la chasse aux Nègres » avec ses amis peintres sur les marchés aux puces de Paris ou Marseille[2]. De même, j'analyse l'interminable maintien des pays et des peuples dominés (Amérindiens, Africains, Afro-américains, Caribéens, ...) dans la "périphérie" d'un monde occidental de l'art, ainsi que l'hégémonie des grandes puissances (ex) coloniales trustant : marché, système des musées et galeries, biennales et foires internationales, appareil critique... comme le reflet du monde issu de la domination coloniale. Ainsi, me paraît suspecte, toute attitude voulant réduire les questions que posent ces lieux de tensions et de paradoxes (tensions raciale et sociale, ambiguïté des rapports avec la France...), à une dimension simplement "locale".[3]
                                                                                                                                            

Temps 1
Mai 2010
Simon Njami pour Bernard Hayot - Contexte de l'exposition "3X3", Paris

Comme pour les deux expositions d'art contemporain « extra-occidental » qui eurent lieu à Paris : Africa Remix, l'art contemporain d'un continent - Centre Pompidou, 2005 (qui montrait des artistes contemporains africains) et Kréyol Factory - La Villette, 2009 (qui montrait des artistes des Caraïbes), je m'apprête à faire le voyage Pointe-à-Pitre / Paris. Sans commande, avec le soutien d'amis qui se partagent hébergement et billet d'avion, je fais le trajet de 7000 km pour voir 3X3, une exposition en triptyque qui a lieu un an après la grande grève du LKP de 2009 en Guadeloupe[4]. Vouloir faire œuvre critique avec l'indépendance et la liberté de ton que j'ai toujours revendiquée dans l'espace contraint d'une ancienne (?) colonie des Caraïbes, est à ce prix. L'exposition, au vu des moyens déployés, revêt un caractère inédit pour l'histoire de l'art qui s'écrit dans les Caraïbes. Un béké[5] fortuné de la Martinique, créateur d'une fondation d'art contemporain en est le commanditaire. Il a fait appel à Simon Njami, connu comme spécialiste de l'Afrique et des Caraïbes. D'origine camerounaise, il fut notamment un des commissaires de Africa Remix. Ils vont présenter le travail de trois artistes des Antilles françaises dans trois galeries parisiennes. Arrivé pour le vernissage du Martiniquais Ernest Breleur à la galerie Les Filles du Calvaire, je verrai aussi l'exposition de Bruno Pedurand, originaire de la Guadeloupe, qui se termine deux jours plus tard à la galerie Olivier Robert. Bien que je ne puisse voir les photographies du Martiniquais David Damoison, dernier volet de 3X3, qui débutait un mois plus tard à la galerie Anne de Villepoix, je veux tenter de décoder le discours, apparent et sous jacent, que véhicule l'exposition en triptyque.

Galerie Olivier Robert, je fais la rencontre fortuite du mécène à l'origine de l'événement. Bernard Hayot, une des grandes fortunes de France, est un homme d'affaires originaire de la Martinique, à la tête d'un empire commercial qui s'étend sur plusieurs continents. Le personnage, considéré comme atypique, préside aux destinées de la Fondation Clément, une fondation pour l'art contemporain des Caraïbes, implantée dans la commune du François, sur le site d'une ancienne Habitation esclavagiste. Après que je sois présenté par le galeriste au mécène et à son collaborateur, ce dernier sort d'un porte documents un de mes articles datant de mai 2009 et m'informe en une formule sibylline... « qu'il me lit dans l'avion ». Le fait n'est pas anodin car cet article[6] porte sur une exposition de peintures en Guadeloupe dans lequel je pose la question de la définition de l'art, des questions liées au racisme, au récit historique, à la mémoire... toutes questions qui sont des points de tension entre békés, Français de l'Hexagone et Afro-descendants des Caraïbes. Une nouvelle tentative pour briser le silence autour de l'étrange présence dans l'hémicycle du Conseil Régional de Guadeloupe, d'un ensemble de 7 panneaux peints, fruits d'une commande publique à Nicole Réache en parallèle à Mémorielles 3, son exposition pour le moins problématique de 1998. En effet, l'exposition présentait des images révisionnistes et négationnistes de l'esclavage accompagnées des contributions complaisantes de 80 personnalités et notables de l'île, ou de l'Hexagone : professeurs d'université, historiens, chercheurs du CNRS, artistes, écrivains, personnalités politiques, journalistes, hommes d'affaires, riches békés, et jusqu'à des figures indépendantistes... ignorant, minimisant ou niant la réalité du crime. Un microcosme improbable lié par le pouvoir, soudé par la volonté de l'oubli et opposant sa force d'inertie à toute analyse mettant en cause ses protagonistes. Afin d'obtenir le retrait des peintures de cette commande liée à l'exposition révisionniste de 1998, il me paraît encore aujourd'hui, nécessaire de faire comprendre à quel point cette exposition fut un vrai cheval de Troie au cœur du dispositif des commémorations du 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage aux Antilles françaises. Une opération de manipulation de l'opinion, véritable machine de guerre lancée contre l'esprit de ce moment de commémoration qui aurait dû être une étape cruciale dans la réappropriation collective du récit historique « outre-mer » et dans l'Hexagone.[7] Mais faut-il rappeler une évidence concernant cette réappropriation : l'impulsion ne saurait venir de l'ancienne puissance coloniale. Nous devons avoir la force de tracer ce chemin.

Transgression des valeurs démocratiques, de la mémoire et de l'Histoire...
Temps de l'ombre... Trou noir de la conscience...


3X3 - Les artistes, l'exposition, le mécène   

Décrypter maintenant ce que j'ai pu voir à Paris : Ernest Breleur dans le vaste espace de la galerie des Filles du Calvaire, son imposante série de Portraits sans visages, les séries de portraits de SDF parisiens et celle de Marylin d'après Warhol... Dans ces propositions, perce un certain formalisme (la série de petites dimensions d'après les Marylin de Warhol, nouvelles dans le répertoire de Breleur, tout comme les SDF parisiens, me semblent être un choix consensuel avec un côté chic parisien) qui me paraît avoir été dicté par l'enjeu d'une exposition dans la capitale parisienne. Bruno Pedurand chez Olivier Robert, dans un espace plus modeste ne pouvant accueillir qu'un nombre limité de pièces. Sa vidéo interactive où, à la figure du Christ, vient se superposer le portrait de l'artiste afro-caribéen, et son installation avec un polyptyque d'après Adam et Eve de Dürer où les personnages sont confrontés à un article du Code Noir de J-B. Colbert gravé dans le bois, avec des Bibles cloutées posées sur des socles immaculés. Réflexion sur la manière dont a été introduit dans cette région du monde le socle religieux de la civilisation occidentale. Au centre du polyptyque, la présence d'un crâne qui fait cette pièce entrer en résonnance avec l'exposition C'est la vie qui a lieu au même moment au musée Maillol autour du thème des Vanités exploré par des artistes de Caravage à Damien Hirst... Malgré tout, j'ai le sentiment de ne pas avoir assez de matière pour répondre à mes interrogations pour mon projet d'article. Quelles sont les intentions qui sous-tendent cette exposition en triptyque ? La structure de l'exposition, autant que la figure du mécène, me semblent partiellement occulter œuvres et artistes. Je note que la presse spécialisée n'a pas rendu compte des expositions de 3X3, hormis Beaux-Arts Magazine qui a sorti un « supplément »... financé par la Fondation Clément et un article dans le n° 35 de la revue Art Absolument. Plus que les œuvres données à voir par Simon Njami et Bernard Hayot, le principal enjeu me semble être le discours sous-jacent que tient l'exposition en triptyque. Le mécène veut-t-il entrer en dialogue avec d'autres acteurs majeurs de l'art de l'Hexagone comme François Pinault et se positionner en contrepoint pour accroître ainsi le prestige de sa fondation[8] ? En réalité, je ne crois pas que le discours implicite de la Fondation Clément, dont les enjeux dépassent à la fois la personne de son mécène et les frontières de l'art, puisse être analysé à travers cette unique grille.


Temps 2
Août 2010
Guadeloupe / Martinique - Les lieux de la mémoire sélective

Accueilli par des amis, je décide de me rendre en Martinique au mois d'août afin de compléter le puzzle. Nous nous rendons à la Fondation Clément implantée sur le site de l'ancienne Habitation esclavagiste. Les visiteurs sont invités à suivre un parcours (jardin arboré, ruines à caractère industriel, chai pour le vieillissement des rhums, vieilles bâtisses restaurées et mobilier "créole" d'époque, photos d'une fameuse rencontre au sommet Bush / Mitterand sur l'Habitation, œuvres de la collection...) se terminant par une dégustation de rhum à la boutique de l'Habitation. J'ai alors le sentiment que les questions que devrait imposer l'histoire du lieu ne sont jamais clairement abordées. Mes premières impressions sont confortées par ce que je peux observer en visitant d'autres Habitations de l'île, notamment l'Habitation St James (Ste Marie), le Domaine de Fonds St Jacques (Ste Marie) qui fut dirigé par le Père Labat (un père Dominicain)[9] au XVIIIe siècle, Château Dubuc (Tartane) dont les ruines insolentes sont aujourd'hui la propriété du conseil général, comme le Domaine de la Pagerie (Trois Îlets) où a vécu Joséphine de Beauharnais épouse de Napoléon Bonaparte et dont la statue sur la Place de la Savane à Fort-de-France a été décapitée en 1991, dans un acte de vandalisme cathartique. Je suis frappé par le discours aseptisé tenu à l'Habitation St James (lors de la visite, nous remarquons une maquette présentant les bâtiments de l'Habitation en 1849, soit un an après l'abolition de 1848. Il ne nous échappe pas que la date choisie n'est pas innocente. Moyen subtil pour fabriquer un argument justifiant que la mémoire des esclaves soit évacuée "en toute logique" du discours dominant). Même discours aseptisé sur le site de l'Habitation Clément, où aucune stèle, œuvre, monument, espace spécifiques de recueillement ne porte clairement témoignage d'une mémoire partagée de l'esclavage. Mon séjour martiniquais jette un nouvel éclairage sur ce que j'ai pu voir à Paris et me permet de compléter le puzzle. Car je vois un grand paradoxe à organiser dans un tel lieu, toutes ces expositions d'art contemporain centrées sur des artistes des Caraïbes et ne pas trouver les voies et moyens pour libérer la parole autour de la question d'une Histoire vraiment partagée de la Traite et de l'esclavage.

Temps du déni...
Transgresser les discours dominants / Créer - imaginer des contre-discours




Temps 3
Décembre 2010-Avril 2012
Guadeloupe / Paris / Amsterdam - Dénouer le nœud de la mémoire sélective

A mon retour en Guadeloupe, Simon Njami répond favorablement à ma demande d'interview. Ne partageant pas toujours son point de vue sur le contexte des Caraïbes, je déroge aux règles du genre en prenant progressivement la parole et en confrontant nos visions respectives. Cet échange va prendre la forme d'une longue conversation, qui par mails interposés ne se terminera, après quelques interruptions, qu'au terme d'une année.  

A la demande de la commissaire d'exposition Nancy Hoffman, le texte de cette « conversation » a été initialement publié en anglais dans le catalogue de Who More Sci Fi Than Us, Contemporary Art From the Caribbean, exposition qui s'est tenue en Hollande en mai-août 2012. Mais cette version de notre entretien a été amputée de toutes les questions relatives à la Fondation Clément (son implantation problématique sur une ancienne Habitation esclavagiste, sa relation à l'Histoire, ses objectifs, les enjeux du mécénat de Bernard Hayot et de son groupe GBH...) sans que je puisse contrôler et valider les coupes avant publication.[10] En outre, je devais m'apercevoir, après réception d'un exemplaire du catalogue, que la Fondation Clément apparaît dans la liste des remerciements et que son logo figure en bonne place... Sans tirer de conclusions hâtives, comment écarter l'idée que certains se soient sentis obligés de ménager un richissime et influant mécène de cette région du monde ? 
      
Que la Fondation puisse monter des expositions sans que vraiment change le fond du discours conservateur sur cette partie de l'Histoire serait, selon certains observateurs, de l'ordre naturel et immuable des choses. Pour ma part, je refuse l'idée que nous soyons, les uns les autres, prisonniers des règles dictées par les logiques claniques ou ethniques. Dans une Caraïbe moderne où tous les groupes humains devraient pouvoir vivre ensemble et partager, nous devons croire, sans naïveté excessive, que ce qui représente une source d'indignation pour les uns puisse l'être autant pour tous. Cette fondation pour l'art en terre martiniquaise, pourrait donc, afin d'être vraiment cohérente avec notre époque, porter une exigence partagée d'intégrité devant l'Histoire afin de devenir le lieu inédit d'un véritable projet commun. Outre son ouverture à la création contemporaine, ne pourrait-elle pas aussi donner un soutien appuyé aux chercheurs, historiens, sociologues, historiens de l'art, spécialistes de l'histoire coloniale des Caraïbes... ? La Fondation dispose des moyens matériels pour abriter, dans un cadre ainsi défini, un centre de recherches à vocation scientifique. Création donc, mais aussi « archive » afin de mettre en résonance de manière dynamique, passé, présent et futur.
Puisque nous refusons de nous soumettre à l'idée que nos sociétés se figent dans un immobilisme anachronique, reste le choix de la transgression des tabous alimentés par la notion de race, les préjugés de couleur, des vieilles peurs et des haines qui dictent les postures de part et d'autre de l'ancienne « ligne de couleur », une frontière dressée entre les groupes humains... A tous ceux qui avancent qu'un tel projet ne saurait émaner d'un béké du fait même de ses origines, comme si tout projet commun de l'ordre de l'Histoire était impensable du fait de l'ethnicité, je réponds que c'est précisément ce dépassement inédit des intérêts ethniques, ou de caste, qui lui donnerait la force de l'intérêt général. 

Transgresser les règles figées dans un silence sépulcral n'est pas le moindre des défis...
Oser une parole libérée...

Temps 3
Guadeloupe /... Nous sommes l'archive

L'Histoire entre par effraction, se jouant de ceux qui voudraient la noyer dans la nasse de l'oubli. Les 20 et 21 novembre 2012 se tenait en Guadeloupe un colloque concernant le projet du Mémorial Acte. L'objectif du conseil régional est de faire la promotion de ce futur « Centre caribéen d'expressions et de mémoires de la traite et de l'esclavage » pour lequel, Simon Njami s'est vu confier la mission de constituer une collection d'œuvres contemporaines. Le programme du colloque faisait apparaître au nombre des historiens et des spécialistes de l'art participant aux travaux, le nom de Gérard Lafleur. Il me revient qu'il fut un des contributeurs au catalogue de l'exposition révisionniste de 1998, lui aussi resté muet à son sujet durant cette dernière quinzaine d'années... Avant qu'il ne sorte de terre, voilà le Mémorial Acte aux prises avec des contradictions dont la Région Guadeloupe doit se défaire. Un jour portant aux nues un peintre révisionniste, un autre se portant garant de la mémoire de la traite et de l'esclavage.

Du fait de la traite et de l'exil forcé, la diaspora afro-caribéenne a constitué une forme d'archive sur le plan symbolique, anthropologique et génétique. Nous sommes, à proprement parler, « L'Archive »... La vivante archive de cette tragédie ! Dès le début de l'entreprise esclavagiste, il a fallu lutter en permanence contre les assauts répétés ayant pour seul objectif de réduire à néant toute velléité de mémoire, toute dimension archivistique. Je considère en premier lieu, que toute entreprise liée à la mémoire en ces régions, devrait prendre en compte cette dimension. J'affirme également que les discours critiques qui tentent de passer outre cette dimension d'archive en adoptant une posture "comme si de rien n'était", se discréditent. Dans le lieu de l'archive, l'Histoire est une donnée incontournable pour la pensée. Reconnaître l'importance de cette donnée, est un préalable à tout discours, la clé d'ouverture du dialogue.

- Le milieu de l'art ne doit-il pas faire vivre une tradition du débat animé par tous ses protagonistes : artistes, critiques d'art, public, institutions, politiques, même (et surtout) lorsqu'il dérange l'hégémonie de toute forme de pouvoir ?

- Si l'on admet que le conseil régional de Guadeloupe est interpellé de manière pertinente pour la commande publique au bénéfice de Nicole Réache, cette question peut-elle se voir réduite à une dimension "folklorique", simple "querelle d'Antillais" ou bien renvoie-t-elle plus largement au traitement de l'histoire coloniale par la France comme « république archipel » [11] ? Rappelons que c'est l'histoire de l'humanité tout entière qui est marquée par ce fait colonial. Edward Saïd dans L'Orientalisme, ouvrage fondateur des théories postcoloniales, précise :

« de 1815 à 1914, l'empire colonial direct de l'Europe est passé de 35 % de la surface de la terre à 85 %. »

Les empires coloniaux se sont étendus sur tous les continents. L'Europe a fait main basse sur la quasi totalité de la planète dans une logique de prédation que rien n'arrête depuis la "découverte" de l'Amérique jusqu'à nos jours. Discours religieux et théories raciales à prétentions scientifiques se sont relayés pour justifier la domination des peuples et des cultures extra-occidentales. Il faut donc admettre que nous sommes loin d'une problématique du "ton local", pouvant être circonscrite à une dimension régionale.



Épilogue

L'art est une forme d'énergie qui peut changer et augmenter l'acuité de nos perceptions. Une possibilité de déjouer l'opacité du réel. Tout processus révolutionnaire, transgression violente d'un ordre politique ou esthétique, a toujours pour origine un changement dans la perception. Notre réel me semble encore entièrement marqué par une longue histoire de domination brutale et racialisée. Dans ce contexte, l'ordre colonial qui a servi de matrice et structuré-déstructuré cet espace dans ses dimensions physiques et symboliques, a généré des modes de production, une organisation segmentée du territoire, un type de rapport à l'Autre et à soi-même abîmé par des siècles de haine. Cet ordre colonial a exercé son emprise sur les imaginaires et conduit à une forme pervertie de la relation. L'artiste afro-américaine Kara Walker évoque ainsi les liens troubles qui unissent les victimes de l'esclavage et leurs Blancs bourreaux sur les Plantations des Amériques. Gouffre vertigineux dans lequel se trouvaient précipités pêle-mêle : cruautés, tortures, souffrances, passions, meurtres, amours, sexe, haines[12]... Pour mieux les dominer, les traitements les plus inhumains étaient infligés à ceux que l'on avaient ravalés au rang de simples choses (« biens meubles » selon le Code Noir de Jean-Baptiste Colbert). Les bourreaux eux-mêmes ne pouvaient sortir indemnes de cet environnement toxique comme nul autre qu'ils avaient créé. Dans les Caraïbes françaises où le colonialisme semble parachevé à travers une sorte d'aboutissement inédit[13], il me paraît salutaire de transgresser ce qui subsiste de cet ordre ancien et ses avatars modernes auxquels nous sommes confrontés.

Toutes les activités humaines, toutes les strates de nos sociétés, les moindres interstices de la pensée, ont été imprégnés par cet imaginaire colonial. Le paradoxe est qu'il porte sûrement en son sein les germes de sa propre destruction puisque ses mécanismes ont aussi gangrené les sociétés dominantes. Victimes et bourreaux portant chacun leur lot de stigmates invalidants. L'art, comme projection des sociétés qui lui donnent forme, ne peut s'abstraire de ces réalités. Il en a été nourri, il en est consubstantiel. C'est ainsi qu'il demeure encore une forme d'activité relativement clivée sur laquelle règne une majorité d'artistes en individus mâles, Blancs où la plupart des créateurs issus des ex colonies n'ont que difficilement accès au cercle fermé du "monde occidental de l'art". Un sentiment de supériorité, produit de l'impérialisme, et laissant croire que le "génie" ne peut venir que de l'intérieur de sa forteresse en dépit de quelques exceptions médiatiques à la mode multiculturaliste sur plusieurs continents : Jean-Michel Basquiat, Anish Kapoor, Ai Weiwei... Jamais comme aujourd'hui, ce cadre idéologique et son système de valeurs vantées pour leur "universalité" (en réalité, il faut entendre : validées par l'Occident), n'a nécessité d'être remis en cause. Les dégâts de la marchandisation planétarisée, de la crise du capitalisme mondialisé indiquent que ce modèle a atteint des limites insupportables.

L'art, en nouvelle religion, est encore placé au sommet de la pyramide des valeurs en Occident. Non plus pour son supplément d'âme et de spiritualité, mais pour sa valeur spéculative capable d'affoler les marchés financiers. Tel qu'il se manifeste, peut-il être considéré comme le modèle pertinent pour des sociétés ayant les singulières trajectoires des Caraïbes ? Là où le colonialisme a jeté ses filets, le statut et la fonction de l'art peuvent-ils être les mêmes que ceux des anciennes puissances impériales ? L'histoire, comme processus dynamique, n'en finit pas de s'écrire et le désir de changer la nature des relations de pouvoir instaurées par (l'ex ?) puissance coloniale ne sait pas encore comment s'incarner dans un monde ancien qui vacille. Il serait pertinent de nous interroger sur les valeurs dont il fait la promotion : ses artistes qu'on adule comme les icônes d'une nouvelle religion où l'argent dicte les génuflexions, les œuvres produites et dont un grand nombre sont porteuses, même à leur insu, de l'idéologie dominante. 1963 - 2013... le temps du rêve de Martin Luther King, cinquante ans après Washington n'est plus. Serait-il alors naïf d'espérer voir un riche mécène des Caraïbes faire grandir son ambition jusqu'à de plus hauts sommets, là où nul de ses semblables n'a encore eu l'audace de s'aventurer ? Qu'il ne veuille pas seulement entrer dans l'histoire de l'art de cet archipel, mais qu'il ait plutôt le désir d'entrer dans l'Histoire en permettant à deux communautés d'Hommes de briser les murs décrépis de la haine. Car pour sur, l'art en tant qu'art, présente moins d'intérêt que transformer la vie en œuvre. La Fondation Clément veut-elle changer les vieilles structures racistes qui charpentent son milieu d'implantation ? Dans une Caraïbe faire-valoir satellite de la puissance française, où tout est produit d'importation, conditionné, y compris la pensée, espace déversoir de ce que l'Occident a parfois produit de plus sombre... tenter de décrypter la trame cachée et lutter contre l'ordre ancien devenu subreptice, transgresser y compris par le biais de l'art, l'imaginaire colonial profondément enraciné, s'avère nécessaire pour sortir du piège de l'Histoire.

  © Jocelyn Valton, 2012-2014



« Transgression ! Transgression ! Tranchante notre marche, impudente notre quête. Et devant nous lèvent d'elles-mêmes nos œuvres à venir, plus incisives et brèves, et comme corrosives.
       De l'aigre et de l'acerbe nous connaissons les lois. Plus que denrées d'Afrique ou qu'épices latines, nos mets abondent en acides, et nos sources sont furtives. ... »

SAINT-JOHN PERSE ; « Sécheresse » in : Chant pour un Équinoxe 








ANNEXE

Carton d'invitation de l'exposition Mémorielles 3 :



 
"Une indigoterie au XVIIe siècle" ; Nicole Réache, février 1998





« Pour mieux soupirer le passé, et rêver l'avenir, Madame Nicole RÉACHE vous invite
à savourer des moments de nostalgie, à l'occasion du vernissage de l'exposition de peintures :
Arrêt sur images Mémorielles 3
Le mardi 30 juin à Pointe-à-Pitre au Centre Culturel Rémy Nainsouta »










1 - Le terme renvoie ici, d'une part à l'art Occidental et à l'engouement des artistes au XVIIIe - XIXe siècle, pour ce qui touchait à la culture orientale, et d'autre part à l'ouvrage désormais célèbre de Edward W. Saïd : L'Orientalisme - L'Orient créé par l'Occident, dans lequel il démontre comment l'Orient est une fiction créée de toutes pièces par l'Occident, mais qui finit par devenir une forme du réel. Un négatif cartographié, étudié à l'université, présent en politique ou en littérature, qui lui permet d'exister.

2 - Tout semble avoir été dit sur cet artiste en figure cardinale de l'art occidental, mais j'avance ici l'idée que Picasso, à la fois produit d'une civilisation et d'une époque qui voit l'Occident régner sur le monde, affiche une confiance en son talent, un esprit conquérant, qui sont comme l'écho de la posture choisie par l'Europe. Un inconscient colonial dont il est dépositaire et qu'il convient de questionner. Picasso, né en Espagne, a passé une grande partie de sa vie de peintre en France. Deux empires coloniaux de tout premier plan balisent ainsi son existence. S'il peint Guernica en 1937 pour dénoncer le bombardement nazi de ce village en Espagne, jamais il ne peindra un possible Africa pour dénoncer les crimes coloniaux à l'échelle du Continent Noir auquel son art doit tant. Ainsi devons-nous admettre que même des artistes d'avant-garde, considérés comme les génies de leur époque, se montrent incapables de voir ce qui pourtant est la plaie au cœur de leur temps.

3 - Je développe cette pensée dans un article publié par Médiapart. « Une école pour la république archipel » tente de démontrer comment les programmes de l'Éducation Nationale, même quand ils sont soumis à "l'adaptation" prônée pour les territoires extra-hexagonaux, peuvent être en décalage avec les valeurs proclamées de la république :


4 - A ce jour, une des plus longues de l'histoire de France. Surprenante par sa force mobilisatrice et son ampleur, la grève menée par le LKP préfigurait d'autres mouvements de contestation qui allaient plus tard surgir au Maghreb et en Occident. Phénomène annonciateur de la crise mondiale sur fond d'hyper spéculation boursière qui allait secouer les États-Unis et l'Europe avec en tête de liste la Grèce, l'Espagne, le Portugal puis se manifester dans les pays arabes sous la forme de flambées révolutionnaires en Egypte, en Tunisie, en Syrie... Au centre des revendications exprimées, la dénonciation des profits outranciers générés notamment par les méthodes de la grande distribution "Outre mer" (marchés captifs, situations de monopoles) et une structure économique et sociale (notamment une forte segmentation ethnique) héritée du système de la Plantation esclavagiste.

5 - C'est par ce terme, dont on ignore l'origine précise, que la plupart des descendants de colons esclavagistes de la Martinique se désignent eux-mêmes. Nombre d'entre eux, hostiles aux mélanges inter-ethniques, revendiquent encore une forme d'identité centrée sur la notion de pureté de race et pratiquent volontiers l'endogamie. La Martinique (contrairement à la Guadeloupe), s'étant soustraite à la première abolition de l'esclavage en 1794, ce groupe n'a jamais connu de rupture dans la domination exercée sur l'île, ni dans la possession et l'exploitation des grands domaines agricoles qui ont servi de bases pour le redéploiement de leurs fortunes vers d'autres domaines d'activités, notamment l'import-export et la grande distribution. Voir à ce sujet l'ouvrage de l'anthropologue Edith Kovats Beaudoux : Les blancs créoles de la Martinique - Une minorité dominante, L'Harmattan, Paris, 2002.

6 - « Hold up sur l'art commémoratif », fut diffusé sur le Web comme mon interview réalisée par une certaine Emmanuelle Fickt. En réalité le patronyme est imaginaire, dérivé de fictionnel. Fickt n'est autre que mon avatar créé pour l'occasion. Il s'agissait de trouver le moyen de produire un contre discours pouvant faire face au discours dominant sur la question de l'esclavage et la traite négrière. Sous cette forme transgressive, l'entretien a été conçu dans la tradition des auto-interviews d'artistes.

7 - Pour mieux prendre la mesure de cette exposition révisionniste aux confins de l'art, il faut rappeler que l'État français depuis la loi Taubira du 21 mai 2001, reconnaît l'esclavage et la traite transatlantique comme crime contre l'humanité. Nous demandons, avec une certaine insistance, la condamnation officielle des propos révisionnistes inscrits au catalogue de l'exposition Mémorielles 3 ainsi que le retrait public des sept panneaux de l'hémicycle. L'introduction de Nicole Réache (en dépit du caractère toxique de sa production) au même titre que les artistes de l'île dans l'ouvrage Anthologie de la peinture en Guadeloupe, des origines à nos jours, 2009, apparaît comme un acte de légitimation institutionnelle aggravant dont Victorin Lurel, nommé ministre des DOM dès 2012 par François Hollande, a validé le choix. Contacté par Roger Toumson (enseignant la littérature à l'Université des Antilles Guyane) qui était missionné par la Région Guadeloupe pour diriger l'anthologie, j'avais de nouveau signalé la gravité de ces faits et avais posé comme condition à ma participation, que Nicole Réache soit écartée de la sélection. Depuis, certains disent que la Région, embarrassée, mais refusant de perdre la face, soustrait les panneaux peints à la vue des visiteurs et de la presse lors de d'événements importants qui se déroulent dans l'hémicycle. Une demie mesure qui ne saurait être une réponse satisfaisante à la question qui reste posée : une institution de la république (même hors Hexagone) peut-elle s'accommoder du révisionnisme et transgresser ses fondements mêmes ?


8 - Organisée dans le cadre controversé de « L'année des Outre-mer », l'exposition prestigieuse Césaire, Lam, Picasso fut montrée à Paris, au Grand Palais, de mars à juin 2011. Elle fut accueillie en Martinique de nov. 2013 à mars 2014 à la Fondation Clément, qui a dû pour ce faire, répondre aux exigences élevées de la RMN (Réunion des Musées Nationaux) en termes de qualité et de sécurité. Une initiative qui semble confirmer notre hypothèse.

9 - Voir mon article « Fétiches Brisés - Une longue éclipse des arts plastiques dans les Caraïbes » qui prend appui sur un récit du Père Labat à propos d'une destruction de statuette votive.

10 - Les versions complètes de cette « conversation » entre Simon Njami et moi ont été publiées sur mon blog sous le titre : « L'art en Caraïbe - Une voie pour défier l'Histoire » : http://jocelynvalton.blogspot.com/p/blog-page.html
et
Art in Caribbean - A way to defy History : http://jocelynvalton.blogspot.com/p/blog-page_6975.html

11 - Voir mon article éponyme de juillet 2012 publié par Médiapart : « Une école pour la république archipel », dans lequel je porte une réflexion sur ce qu'enseigne l'école et les rapports Caraïbes/Hexagone à travers L'Arbre des voyelles, une sculpture de l'artiste italien Giuseppe Penone, installée au Jardin des Tuileries à Paris (jardin réalisé au XVIIIe siècle pour Catherine de Médicis par J-B Colbert rédacteur du Code Noir), et inscrite 4 années consécutives au programme des épreuves d'arts plastiques du BAC :


12 - Kara Walker : My Complement, My Enemy, My Oppressor, My Love (Mon Ennemi, Mon Frère, Mon Bourreau, Mon Amour) ; exposition au Walker Art Center, 2007

13 - Par le biais de la loi dite d'assimilation de 1946 qui voit ces anciennes colonies esclavagistes devenir des départements français dits "d'Outre-mer".

2/18/2014

"RÉSISTANCES" Exposition Firmin-Ano - plasiticien / J. Valton - critique d'art


RÉSISTANCES
Présences Marronnes

Eddy FIRMIN-ANO - Jocelyn VALTON
Musée Schœlcher, P-à-P
31 janv. - 30 mai 2014


Accepter une participation au cycle d'expositions "Carte Blanche" au musée Schœlcher de Pointe-à-Pitre, impliquait selon moi de questionner à la fois le lieu même dédié à ce personnage de l'histoire de France et des Caraïbes, et le discours officiel promoteur, dès 1848, du « mythe schœlchérien ». Un angle d'approche qui entrait en résonnance avec le projet de Firmin-Ano se proposant de le nommer Résistances. C'est sous ces hospices que débuta notre collaboration pour cette quatrième édition dans le cénotaphe de la rue Peynier, premier musée construit en Guadeloupe.

Un musée créé en 1887, que l'on a peine à classer aujourd'hui compte tenu de la nature de sa collection. Ni histoire, ni ethnographie, ni sciences, ni musée d'art. Si bien qu'il fallait se poser la question de notre présence en ce lieu sachant que "Carte Blanche" demande aux artistes invités d'interagir avec les pièces de cette collection. Un ensemble hétéroclite d'objets collectés par Victor Schœlcher qui en fit don en 1883 pour constituer le fonds du musée dédié à sa mémoire. Quelques plâtres, copies de statues antiques grecques et romaines, des fers, entraves et carcans d'esclaves, un couteau de marron, une machette, des porcelaines issues de la fabrique de son père, quelques gravures et documents d'époque... De quoi entretenir la flamme de la reconnaissance des Antilles au "libérateur".

L'Histoire vaudrait-elle plus qu'un stérile élevage de poussière si nous n'étions capables de la décrypter, d'en élucider le sens, d'en faire une source de lumière qui éclaire le présent ? La promulgation du décret d'abolition du 27 avril 1848, signé en France par les membres du gouvernement provisoire, fut sans doute le point culminant de l'engagement abolitionniste de V. Schœlcher. Le décret fait de lui le personnage tout désigné pour incarner la figure du "libérateur" en pièce maîtresse du discours officiel post-esclavagiste. Une aubaine pour l'ancienne métropole négrière, nouvelle république désireuse de s'offrir la virginité d'une nation "généreuse" concédant la liberté à ses esclaves des Antilles et autres possessions d'Afrique, de Guyane et de l'Océan Indien. Une manière habile de reprendre l'avantage avant que la révolte générale qui menace alors d'éclater à tout moment, n'embrase les îles et ne fasse perdre à jamais les colonies dans le sillage de Saint-Domingue. En juillet 1935 en Guadeloupe, Jeune Jean-Louis dans un « Hommage à Schœlcher » commémorant sa naissance, l'élève au rang « d'Apôtre » pour qui la « Race Noire » devrait avoir une « pieuse reconnaissance ». Il parle de sa « mémoire sacrée » et de « religion nouvelle Schœlchérienne », terminant son discours en « louant Schœlcher comme un Dieu » ! Point d'église, mais un musée de Pointe-à-Pitre porte son nom, ainsi que des écoles, des rues et des places aux Antilles, en Guyane et dans l'Hexagone. Une bibliothèque à Fort-de-France et une commune entière à la Martinique où une des sculptures à son effigie fut défigurée en septembre 2013. Dernière résistance en date à la perpétuation du mythe...

En outre, il fallait effacer des tables de l'histoire que le groupe dominé des esclaves originaires d'Afrique opposa, dès l'origine, diverses formes de résistances qui finirent par ruiner le système, conduisant inexorablement aux abolitions successives dans tout l'arc des Caraïbes-Amériques. Depuis Saint-Domingue (Haïti) en 1793, jusqu'aux colonies britanniques en 1838, 17 pays au moins ont déjà aboli l'esclavage avant la rédaction du décret français de 1848 : Costa Rica, Honduras, Panama, Belize, Salvador, Guatemala, Bolivie, Mexique, Uruguay, Nicaragua, Antigue, Jamaïque, Trinidad & Tobago, Barbade, Grenade et même Le Cap en Afrique du Sud. Avec une place singulière dans cette chronologie pour la colonie française de Saint-Domingue. Le soulèvement généralisé des esclaves de l'île sous l'autorité de Boukman, dès 1791 après la Cérémonie de Bois Caïman[1], conduira le 4 février 1794 au vote de la Convention confirmant l'abolition (proclamée en 1793) sur toute l'île de St-Domingue.

1802. Arrestation et déportation de Toussaint Louverture au Fort de Joux dans le Jura. Cet ancien esclave de St-Domingue, devenu fameux chef de guerre et rival de Napoléon Bonaparte y mourra en 1803. Cela n'empêchera pas les esclaves emmenés par Jean-Jacques Dessalines de battre les armées napoléoniennes conduites par le général Leclerc (beau-frère de Napoléon Bonaparte qui y perdra la vie) et de créer la première République noire du monde au cœur des Caraïbes-Amériques. En Guadeloupe, après la défaite de Louis Delgrès au Matouba et les exécutions massives perpétrées par le général Antoine Richepance, c'est le retour à l'ordre ancien sur ordre de Napoléon Bonaparte rétablissant l'esclavage jusqu'en 1848. La Martinique, qui n'a pas connu l'épisode abolitionniste de 1794, car se plaçant sous protectorat britannique, ne connaîtra jamais d'interruption au régime esclavagiste, contrairement à la Guadeloupe. Cette différence de trajectoire aura des conséquences qui pèsent encore sur le présent des deux îles, sur les imaginaires et les représentations, mais aussi en termes d'hégémonie durable de la plantocratie. 

1er janvier 1804, l'indépendance d'Haïti (ex St-Domingue) est proclamée ! Un grand coup de tonnerre dans cette région du monde qui provoquera d'irréversibles changements de portée universelle. L'armée napoléonienne, alors la plus puissante du monde a été battue par des esclaves noirs, moins considérés que du bétail. Une humiliation qui signe la perte de la colonie la plus riche et la plus prestigieuse, la "Perle des Antilles". Mais au delà, une épine au pied de la domination esclavagiste et un exemple qui fera désormais peser la lourde menace d'une contagion redoutée par les lointaines métropoles et les planteurs. C'est aussi l'année de naissance de V. Schœlcher qui mourra en 1893.

Des dates qui éclairent autrement la portée de l'action de l'abolitionniste et le mythe du "libérateur", 1848 se révélant une échéance tardive (jusqu'à 54 ans d'écart) quand on la compare à toutes ces abolitions et à l'échec de 1794. Après un voyage dans les Caraïbes en 1828-1830 où Schœlcher est envoyé par son père pour vendre de la porcelaine fabriquée dans l'entreprise familiale, il est confronté à l'inhumanité du système plantationnaire. Avec un second séjour en l840-1841, il devient un des principaux acteurs du mouvement abolitionniste ce qui lui vaudra d'être nommé Président de la commission chargée de rédiger le décret d'abolition de 1848. Si son article 1 décrète : « L'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises », son article 5, cédant au lobby des planteurs, ajoutera : « L'Assemblée nationale réglera la quotité de l'indemnité qui devra être accordée aux colons ». Ce n'est pas la moindre des contradictions qui renvoie les esclaves libérés à leur condition initiale de « biens meubles » dont la perte implique dédommagement. D'autant que la masse des esclaves ne recevra aucune compensation après des siècles d'exploitation inhumaine. Voilà les nouveaux travailleurs jetés en pâture aux nouveaux capitalistes, libres mais nus, car aucune réforme foncière en leur faveur n'est engagée.

L'image fabriquée de Schœlcher sera habilement utilisée par la propagande coloniale post-abolitionniste pour occulter et jeter dans l'oubli celle des esclaves, rebelles et marrons dont la fuite est stratégie de survie et résistance. Stratégie qui constitue un perpétuel défi aux fondations même du système de plantation qui la réprime avec une rare brutalité, surtout lorsqu'il s'agit de grand marronnage (de longue durée). L'article 38 du Code Noir (Jean-Baptiste Colbert pour Louis XIV) est éloquent :

« L'esclave fugitif (...) aura les oreilles coupées, et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule, et s'il récidive (...) aura le jarret coupé[2] et sera marqué d'une fleur de lys sur l'autre épaule, et la troisième fois il sera puni de mort. »
Pour terroriser les nègres, de cruels sévices, mutilations et supplices sont exécutés devant les "ateliers" des habitations au complet, ou en place publique. En novembre 1680, il existera même en Guadeloupe, un projet d'ordonnance pour la castration des fugitifs... Le grand marronnage, qui implique une organisation dans des camps fameux comme celui des Mondongues venant d'Afrique Centrale, les Kellers aux Deux Mamelles, une partie très boisée de la Guadeloupe, est la hantise des planteurs. Les origines de cette communauté marronne se confondraient avec « l'introduction des Africains aux Antilles » ou du moins le début du XVIIIe siècle, suite au naufrage d'un bateau négrier sur la côte sous-le-vent de l'île. Entre 1840 et 1848 on trouve encore trace de l'existence du camp des Kellers de « nation portugaise ». Martial, leur chef y est décrit comme étant d'une « énergie de caractère, d'une force musculaire remarquables », qualifié de « sanguinaire » et « despotique ». Traits souvent prêtés par les esclavagistes aux chefs Marrons, afin de mieux les discréditer. Les archives mentionnent la forte organisation politique et économique de cette communauté vue comme « une petite république indépendante ». Il faut par ailleurs souligner la nature protéiforme de la résistance des esclaves. Violente, spectaculaire ou plus diffuse (révoltes, marronnages, vol, empoisonnement des planteurs et du bétail, suicides et infanticides, incendies des "Habitations", ralentissement du travail des ateliers, groupes d'entre-aide en "nations", "sociétés" ou "convois"...).

Cette résistance constante a fait des esclaves eux-mêmes les premiers de tous les abolitionnistes. Durant la dernière décennie 1830-1840, précédant l'abolition, le désir de liberté est à son comble. Les tensions raciales sont exacerbées et les incidents violents, entre « libres de couleur » et Blancs, se multiplient. Le 22 mai 1848, la révolte des ateliers à Saint-Pierre fait 35 morts, suite à l'emprisonnement de l'esclave Romain qui refusait de cesser de battre du tambour bèlè, pour donner au reste de l'atelier, le rythme au travail du grajé mannyòk[3] sur l'Habitation Duchamps. Elle est suivie de troubles en Guadeloupe. Des faits qui obligent les gouverneurs des deux îles (le 23 mai en Martinique et le 27 mai en Guadeloupe) à prendre d'urgence des arrêtés locaux pour abolir l'esclavage, et cela, avant même que l'existence du décret du 27 avril ne soit connue aux Antilles. Membres de la commission dirigée par V. Schœlcher, Auguste Perrinon et Alexandre Gatine, commissaires généraux porteurs du décret pour les deux îles, ne feront donc qu'entériner une situation de fait. Et nul décret ne saurait enlever aux esclaves cette victoire ainsi que le voudrait le cynisme du gouverneur Layrle s'adressant aux « cultivateurs esclaves » en Guadeloupe le 4 avril 1848 :

« Au temps de vos pères, la République existait en France. Elle proclama la liberté sans indemniser les maîtres, sans organiser le travail. Elle pensait que les esclaves auraient compris qu'ils devaient travailler et s'abstenir de tout désordre. Mais ayant abandonné le travail, ils devinrent plus malheureux de jour en jour et forcèrent la République à vous remettre en esclavage. Voilà pourquoi vous êtes encore esclaves ! (...) La liberté va venir ! Courage mes enfants, vous la méritez. Ce sont vos maîtres qui l'ont demandée pour vous. »

Voilà brossée la toile de fond historique qu'éclairent les pièces en résine de Firmin - Ano, comme inversion de la sémantique de l'opération "Carte Blanche" du musée, nouvelle cartographie mentale ou stratégie artistique dessinée face à un traumatisme collectif qui n'a jamais été traité en tant que tel. Outre la production de textes administratifs et "d'Histoire", les discours abolitionniste et post-abolitionniste ont déployé un véritable arsenal (y compris artistique) doté d'une abondante imagerie. Peintures et gravures de Nègres présentés en génuflexion devant le "libérateur", postures subalternes imposant le récit d'une liberté concédée, non pas gagnée de haute lutte, alors même que « l'émancipation immédiate » fut la dernière carte à jouer après quatre siècles d'esclavagisme d'une suprématie blanche. Ainsi, la portée de l'action abolitionniste de Victor Schœlcher n'a-t-elle pas été surestimée à des fins politiques ? Cette surestimation ne devait-elle pas empêcher, et pour longtemps, la reconnaissance de l'action des esclaves comme principaux acteurs de leur liberté ? Alors que l'Histoire des Caraïbes, de la traite négrière et de l'esclavage transatlantique s'ouvre à de nouvelles recherches, et que dans les prochains mois le musée Schœlcher de Pointe-à-Pitre entrera dans une phase de travaux d'agrandissement, ces questions sont versées au débat.






Marguerite Syamour-Gagneur,
                                               La Liberté délivrant l'esclave de ses chaînes, 1904 - Bronze
                                                       Plaque provenant du monument de 1913 dédié à V. Schœlcher, et
                                                                     situé à Basse-Terre où l'acte d'émancipation fut proclamé le 27 mai 1848.
Collection Musée Schœlcher








                               Médaillon abolitionniste portant l'inscription :
                            «Ne suis-je pas un homme ? Un frère ?»,
                  Manufacture royale de Sèvres, 1789


Carcans et fouets ont disparu, pratiques barbares et mauvais traitements n'ont plus cours, dès lors, comment identifier pour les combattre, les nouvelles formes de domination qui s'exercent sur des hommes réputés libres ? Dans quelle mesure l'art peut-il être un recours dans les stratégies d'élucidation ou de résistance contre ces dernières ? C'est à de tels questionnements que l'exposition veut convier les regardeurs, l'art refusant de n'être ici que spectacle rétinien. Face à l'hégémonie des discours dominants, s'impose à nous la nécessité de produire des contre-discours comme s'y attachent depuis la fin des années 1970, les auteurs de la pensée postcoloniale tels Edward Saïd ou Stuart Hall.

Face à cette entreprise de domestication des imaginaires, il faut invalider les représentations négatives imposées par l'Occident aux groupes subalternes, carcans mentaux qui les enferment et les stigmatisent. Ce que les groupes dominés pourraient appeler une « dé-définition », devrait être le prélude à la création de ces contre-discours, rendant possibles redéfinition et reconstruction. Résister, produire et diffuser du savoir, la connaissance précise et l'analyse des faits, afin de donner du sens à l'opacité de notre époque, lorsque tout semble encore enfoui sous la dalle d'un silence honteux.

Comme un éclectique touche-à-tout qui ne veut privilégier aucun médium, Firmin-Ano va des dispositifs installatoires à la peinture sur toile ou in situ en milieu urbain (série des cases abandonnées, couvertes de motifs peints, 2013), en passant par le livre d'artiste avec dessins et excursion poétique (Lélévation, 2003), ou encore une série de céramiques (Terra incognita, 2006). Comme une volonté de pratiquer l'art de l'escarmouche, toujours en mobilité afin de se trouver là où il n'est pas attendu. Pour le musée Schœlcher, il a installé au milieu des objets de la collection, une série de sculptures faites de boyau de porc et de résine selon la technique du moulage et irradiant une lumière colorée qui rappelle l'installation avec les plots luminescents de Lélévation (présente au Pavillon International du Morne Rouge, BIAC Martinique, déc.-jan. 2014).

Du boyau de porc... Un matériau pas innocent, qui veut évoquer la peau humaine dont chacun sait que le pourcentage de mélanine, signant les multiples métissages consentis ou non, est au centre de l'histoire de l'archipel et de la construction bancale de l'identité des différents groupes humains qui y cohabitent. La question des identités se redéfinissant au contact des autres, donc toujours dynamiques, jamais monolithiques, étant selon nous, une des questions centrales. Non pas que nous ne sachions pas nous situer, perdus selon certains, dans les incertitudes d'une prétendue "quête identitaire", mais bien du fait qu'à l'identité « racine unique » des colonisateurs nous opposions une forme d'identité en perpétuelle mutation, lisible dans les mouvements littéraires des Caraïbes (Négritude d'Aimé Césaire, Antillanité d'Edouard Glissant, Créolité de Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Créolisation d'Edouard Glissant...). Nous voilà donc en présence d'un boyau qui, sortant de l'intérieur, devient peau. Des viscères, du « colon de cochon »... Selon Firmin-Ano, dont l'humour aussi fait matériau, on pourrait évoquer une « poétique de la digestion », l'espace colonial pouvant s'identifier à des territoires avalés. La merde alors produite, permettant la floraison du nouveau, « aussi beau que des épinards ayant poussé en pareil terreau » (pour paraphraser le dire créole). Ici, une floraison de fleurs de lys infamantes dont on marquait les fugitifs, est figée dans les fines épaisseurs du matériau-boyau dont est faite une tête de cochon accrochée à la cimaise, telle un trophée de chasse fixé sur une lunette de W-C ! 


                                                                                                  © Photo : Daniel Dabriou
 
Cochon de colon - Colon de cochon
Mixed media : résine, boyau de porc, papier toilette, LED

Après l'affiche géante du marron qui répond à la monumentalité du buste en pierre de V. Schœlcher situé dans la cour extérieure du musée (ses 2,70 m de haut en font le plus grand de l'île), la pièce la plus imposante est une sculpture en forme de cochon aux courbes étranges et exagérément allongées. Mais « Ceci n'est pas un cochon ! » aurait dit René Magritte. On pense aux surprenants porcs tatoués d'un autre artiste belge Wim Delvoye. D'autres filiations irriguent la réflexion de Firmin-Ano qui entretient la connivence "avec des artistes de la périphérie française" selon ses termes, comme Andreas Dettlof qui travaille en Polynésie (Le colon colonisé - une pièce faite en 2008 à Tahiti, en vessie, bois, polystyrène, encre de Chine). 


                                                                                                           © photo : Daniel Dabriou

Trophée de chiasse : résine, inclusions, boyau de porc, 
lunette de w-c, LED



« (...) Puisque l'on dit cochon marron, pourquoi ne pas dire nègre marron ? » V. Schœlcher : Esclavage et colonisation - origine du terme marron venant de cimarron donné par les Espagnols

La présence couplée de bustes, créatures presque humaines, en contre-point de l'animale présence des cochons, peut se prêter à une analogie avec le Soukounyan (ou Volan) qui est une créature mythique de la tradition orale qu'a également convoquée Ano. Le Soukounyan des contes antillais quitte sa peau dans l'épaisseur noire de la nuit, l'accroche aux branches de l'arbre fromager et la retrouve au petit jour après s'être mofwazé, c'est dire métamorphosé, en oiseau de feu. Les contes aussi nous enseignent, et l'opération semble bien avantageuse dans un univers engendré par la plantation négrière où la peau était (peut encore être) un attribut, ou un stigmate qui détermine une « ligne de couleur » comme un obstacle au mille gradations, ligne frontière entre groupe dominant et groupe dominé. Après avoir traversé les incertitudes et les peurs d'une bien longue nuit, ne serait-il pas venu le temps, pour nous tous, bien au-delà des frontières des îles, de faire peau neuve à l'image du Soukounyan et gagner ainsi le pouvoir d'inventer un autre devenir ?


 
                                                                                                                   © photo : Jocelyn Valton

Co création : Eddy Firmin-Ano / Jocelyn Valton
Résistance Marron d'après une gravure de William Blake,
dominant le buste monumental de V. Schœlcher.
Impression, encre / papier affiche (H : 8 m), 2014


Née d'une observation attentive du site de l'exposition et d'une collaboration étroite visant à réduire stratégiquement la distance artiste - critique, une figure monumentale de marron se dresse, haute d'une dizaine de mètres, d'après une gravure du peintre anglais William Blake dans John-Gabriel Stedman (chasseur de rebelles marrons au Surinam dans les années 1772-76). Dès l'entrée du musée, la monumentalité des deux pièces (la figure du marron et le buste de l'abolitionniste), se répondent. Ajoutons enfin que l'exposition Résistances s'est également placée sous le signe d'une échappée hors du musée. Sortant du strict périmètre de son enceinte pour aller subvertir les espaces extérieurs, jusqu'à essaimer quelques lieux emblématiques de la ville. Une manière de cohérence avec l'esprit de marronnage nécessaire pour combattre les formes modernes de colonisation, d'exploitation et de domination que l'émancipation de 1848 n'aura pas suffit à éradiquer et qui persistent dans les Caraïbes comme ailleurs.

© Jocelyn Valton, AICA - janvier 2014




1 - Entrée dans la légende, la cérémonie vaudou du Bois Caïman eut lieu en 1791. Autour du sacrifice rituel d'un cochon noir, les esclaves prêtèrent serment en préparation de l'insurrection générale de Saint-Domingue.

2 - On coupait non le muscle du mollet, mais le tendon. Une mutilation qui rendait l'esclave boiteux à vie.
3 - Grajé mannyòk : Rapper le manioc était l'une des tâches des ateliers d'esclaves pour fabriquer la farine de manioc, une des bases de leur alimentation sur les habitations. Comme d'autres travaux pénibles, elle se faisait avec des chants pour se donner ardeur et courage. Comme dans la tradition des chants de labour à Marie-Galante. En Guadeloupe, un des sept rythmes du gwoka, la musique traditionnelle aux tambours, est le graj. Le bèlè étant l'équivalent martiniquais du gwoka.




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EDDY FIRMIN dit Ano est diplômé de l’Ecole Supérieure d’Art du Havre et de l’Institut Régional d'Art Visuel de la Martinique. Il est aujourd’hui doctorant à l’Université du Québec en philosophie de la création. En 2003 il édite aux éditions Ibis Rouge son livre-objet poétique “Lélévation”.
Depuis 2006, avec «Terra Incognita», il a entrepris un cycle international de résidences d'artiste (Japon, Espagne, Zimbabwe, France, Canada). Ses réflexions, pratiques et voyages l'ont amené à s'interroger sur une autre vision du monde, une autre approche des arts visuels que pourraient proposer les Caribéens à l'ère de la deuxième mondialisation, sachant que la première avait lieu dans cette région du monde.


JOCELYN VALTON est critique d’art membre de l’AICA. Depuis 1992, il vit et enseigne en Guadeloupe où il est né. Son travail porte notamment sur les conditions d'émergence de l'art comme geste questionnant dans la région des Caraïbes - Amériques, dans le contexte de la domination coloniale et ses avatars à l'ère de la seconde mondialisation. Ses écrits mêlent social, politique et art comme un prolongement de la vie. Sous le signe de la porosité, il utilise les ressorts de disciplines différentes : histoire, anthropologie, sociologie, psychanalyse, pour tenter de déjouer l'opacité du réel.

Publications récentes :
- « Une voie pour défier l'histoire - Conversation avec Simon Njami », 2012
- « Fétiches Brisés », 1997-2013

Voir : jocelynvalton.blogspot.com







Repères bibliographiques :

- Josette Fallope : Esclaves et Citoyens-Les Noirs à la Guadeloupe au XIXe siècle, Sté d'Histoire de la Guadeloupe, 1992

- Gabriel Debien : Les Esclaves aux Antilles Françaises (XVIIe-XVIIIe siècles), Sté d'Histoire de la Guadeloupe, 2000

- Vincent di Ruggiero : Le marronnage en Guadeloupe à la veille de la Révolution française  de 1789, Bulletin de la Sté d'Histoire de la Guadeloupe n° 116-118, Basse-Terre 1998

- Victor Schœlcher : Esclavage et colonisation, PUF, Paris 2008

- Laënnec Hurbon : Les mystères du vaudou, Gallimard, 1993

- Aimé Césaire : Toussaint Louverture, Présence Africaine, Paris 1981

- Jean Moomou : Les marrons Boni de Guyane - Lutte et survie en logique coloniale (1712-1880), Ibis Rouge, 2013

- Stuart Hall : Identités et Cultures, Editions Amsterdam, Paris 2008

- Edward W. Saïd : L'orientalisme, Seuil, Paris 2003

- Ano : Lélévation-Tohu-bohu poétique d'artiste peintre, Ibis Rouge, 2003

- Jocelyn Valton : « Entretien "Série 9" - Ano, sculptures, peintures, installations », 2012